samedi 26 avril 2014

+++ Le grand saut +++



+++ Début de transmission +++
+++ Archives personnelles Ref. : 97483491383a349610v4 +++


« Le silence … Le silence … Je viens de me réveiller. Comme d’habitude, je me suis réveillé avant mon horo-alarme. L’hab modeste du bloc E dans laquelle je vis avec ma mère est baignée d’un silence presque oppressant. Dans la pénombre de ma chambre, j’attrape mes vêtements et je me dirige vers la salle de bain. Le néon grésille avant de vomir sa lumière crue dans la pièce. Une douche rapide à l’eau tiède et je suis complètement réveillé.


Aujourd’hui, mon petit déjeuner a un goût différent. Aujourd’hui, je vais m’engager dans la Garde et suivre les traces de mon père. Je ne l’ai jamais connu et lui n’a jamais eu connaissance de mon existence. J’ai été conçu la veille de la mobilisation de son régiment d’après ma mère. Elle n’a jamais pu lui dire. Elle m’a élevé seule, travaillant comme analyste de niveau 1 pour le munitorum. Chaque jour depuis le départ de mon père, elle a espéré voir son nom apparaître parmi les milliers d’autres qu’elle voit défiler tous les jours. Elle aurait souhaité le voir parmi les soldats distingués pour faits d’armes exceptionnels ou les soldats ayant mérité une retraite. Jamais cela ne se produit.

     J’entends la machine à récaf qui vient d’être mise en route, ma mère est levée. J’entends sa voix qui m’appelle. « Ian ? ». Sa voix me paraît étrange, plus cassée que d’habitude, plus rauque ou plus grave. « Ian ? ». Ce n’est pas la voix de ma mère. « IAN BORDEL ! ».

     J’ouvre les yeux, ma vision est trouble pendant un instant. Je vois tout en rouge, un bourdonnement assourdissant m’assaille les tympans. « IAN ROUPILLE PAS ON ARRIVE ! ». Je ne suis pas dans mon hab et je ne suis même pas sur la terre ferme. Je suis harnaché dans un fauteuil dans l’habitacle de la valkyrie 442 de la phalange verte. Il est 4h29, nous sommes le 323.012.M41 et aujourd’hui, c’est notre baptême du feu à tous.

Dans la lumière rouge de l’habitacle, je discerne le visage de Jadon qui me regarde avec des yeux ronds :


« - T’es sûr que ça va mec ?
-   Ouais, t’inquiète pas. Je fais le vide dans ma tête c’est tout.
    -   Assure-toi de pas vider ton estomac comme Keller alors… »


Le pauvre Keller est en train de vomir tout ce qu’il peut, le stress sans doute. Je vérifie mécaniquement mon arme, un fusil laser type Accatran mark IV, je tire la culasse, je l’engage puis la désengage, je vérifie l’état de charge de la cellule d’énergie et l’alignement de la mire puis je le range dans le logement au dessus de ma tête. L’habitacle est subitement agité de soubresauts violents, la température augmente. Nous entrons dans l’atmosphère d’Aken-Septem, il est 4h31.


« - H-10 minutes les enfants ! On se tient prêt ! »

     La voix « mélodieuse » du lieutenant Keam vient de crachoter dans mon casque. Ma gorge se serre et l’appréhension me gagne. Je ne réalise que maintenant que je vais effectuer mon premier saut en opération. Je regarde autour de moi et je m’aperçois que nous ne sommes tous que des gamins à peine capables de tenir leur fusil, habillés de leurs uniformes flambant neufs et agrippés à leur harnais comme des enfants à leur jouet préféré. Nous sommes des guerriers mais des guerriers qui n’ont jamais connu la guerre. Mon peloton, le peloton noir, est sorti des deux mois de formation avec les honneurs. Keam s’était vite imposé comme le plus apte à prendre le commandement et c’est tout naturellement qu’il devint lieutenant. On lui permit de choisir les membres de son escouade de commandement dont je fais parti à présent. Nous sommes cinq : le Lieutenant Keam, Jadon, mon ami, dont l’affinité naturelle avec tout ce qui crame le prédestinait à manier un fuseur, Keller, l’officier radio, un peu la mascotte du peloton à cause de ses talents d’imitateur, « Doc. » Lars, le médic et enfin le soldat Sihfzen, moi. Keam à choisi chacun d’entre nous. Je fus surpris d’apprendre que le commandement a longuement hésité entre Keam et moi pour prendre le commandement du peloton. Je n’en garde aucune amertume, Keam est un mec bien, un officier calme et juste qui inspire le respect. Vraiment, un mec bien ce Keam. Mon casque crachote encore :

«   - Ian ?
-     Oui lieutenant ?
-   On sera sur zone dans moins de six minutes. Une fois que nous aurons rejoint la terre ferme, je compte sur pour mettre tout le peloton en ordre de marche et préparer la progression pendant que je contacte le commandement.
-   Aucun problème mon lieutenant.
-   Je veux un rapport à H+2 au maximum. C’est notre première mission et je veux que nous soyons irréprochables.
-   Bien reçu.
    -   Ian ?
-   Oui mon lieutenant ?
-   L’Empereur nous garde mon vieux.
-   L’Empereur nous garde mon lieutenant. »

Il est 4h37, une rune ambrée clignote dans l’habitacle de la valkyrie. Nous réagissons tous automatiquement, nous désengageons nos harnais de sécurité, et nous nous levons en saisissant nos armes. Jadon réajuste ses sangles, Keller, qui semble avoir un peu repris ses esprits, vérifie pour la millième fois son grav-chute, Lars essuie les gouttes de sueur qui perlent sur son front. Keam se place dos à la baie de largage et nous indique d’un geste qu’il est temps de mettre en place les masques. Comme un seul homme, avec une précision et une discipline toute militaire, nous nous exécutons. La rune ambrée s’est figée. L’instant d’après, un vent glacial envahi le compartiment. La baie de largage s’ouvre lentement nous offrant un spectacle impressionnant. Nous apercevons des dizaines d’appareils noirs corbeau qui volent en formation derrière nous. Le peloton noir au grand complet.


Il est 4h41, je m’élance dans le vide.


+++ Fin de transmission +++

 Que l'Empereur vous garde !

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